Si les programmes de défense et de sécurité ont recouvert la Terre, il semblerait qu’ils aient vocation à conquérir l’espace. Les programmes spatiaux revêtent de plus en plus un volet consacré à la défense spatiale par le biais des missiles. Ces derniers requièrent une technologie particulièrement complexe et coûteuse. Ainsi, leur maitrise incarne une démonstration de force sur la scène internationale. En effet, les missiles antisatellites permettent de détruire un satellite depuis le sol. Maitriser une telle technique permettrait en temps de conflit de supprimer ou d’endommager des satellites ennemis. De plus, cet atout géostratégique incarne une réelle prouesse technique. De nombreux paramètres doivent être pris en considération pour la réussite d’une telle mission tels que la longue distance, la trajectoire ou encore la vitesse de la cible. En effet, le missile n’est pas équipé de charge explosive, son impact à grande vitesse avec le satellite suffit à le détruire. Cette interception cinétique nécessite que le missile soit tiré depuis la Terre de telle sorte que sa trajectoire croise celle d’un satellite en orbite. Aujourd’hui, seuls les États-Unis, la Chine, la Russie et récemment l’Inde peuvent se vanter de maitriser une telle technique.
La mission Shalki et la destruction d’un satellite indien
C’est en mars 2019 que le premier ministre indien Narendra Modi annonce l’entrée de l’Inde parmi les puissances spatiale. Par la réalisation d’un tir antimissile sur un satellite en orbite basse, la puissance régionale de l’Asie du Sud Est s’est imposée comme un acteur incontournable de la course aux étoiles. Il reste important de préciser que cette dernière introduit un volet de défense antimissiles dans son programme spatial dès les années 2000. En 2019, le programme porte enfin ses fruits et l’Inde abat, lors de la Mission Shakti, un de ses engins. Ce récent exploit place l’Inde sur le devant de la scène internationale. En effet, le programme spatial indien ne cesse de se faire remarquer par son ambition et ses coûts amplement inférieurs à ceux de ses homologues.
Une arme géostratégique indienne sous couvert de paix
La course à l’espace est un domaine géostratégique essentiel. Entreprise sous la Guerre Froide, il semblerait qu’elle soit plus que jamais d’actualité au XXIème siècle. L’espace est un territoire de plus en plus soumis aux jeux de puissances et d’alliances. Les différents acteurs ne cessent de multiplier leurs moyens d’agressions et les tirs anti-missiles en font partie. Ainsi, l’Inde a par sa récente réussite affirmé sa capacité de dissuasion face à ses rivaux pakistanais et plus récemment chinois, notamment face à leur présence en mer par le collier de perles, ou par leur implication dans le Cachemire. En effet, les ambitions chinoises ne cessent d’inquiéter les puissances voisines mais également occidentales. Toutefois, malgré ce climat menaçant, l’Inde a tenu à rappeler sa position de puissance pacifique dans la course aux étoiles. Le dirigeant hindou affirme sa volonté « d’établir la paix et non pas de créer une atmosphère de guerre ». Il ajoute également que « l’Inde n’a aucune intention de se lancer dans une course aux armement dans l’espace ». Les déclaration de Narendra Modi demeurent dans la ligné du traité sur l’espace de 1967. En effet, afin de protéger cet espace commun, les états s’étaient engagés à ne pas militariser l’univers. Un engagement fragile mais qui semble néanmoins perdurer.
Les débris spatiaux, une question d’avenir européenne
Ils semblerait toutefois, que les tirs antimissiles n’aient pas vocation à se multiplier en raison des débris spatiaux qu’ils engendrent. Les nuages de débris dues à l’explosion représentent un danger pour les autres satellites et pour les missions habitées. En effet, ces débris peuvent détruire d’autres satellites en orbites qui eux même deviendront des débris et ainsi créer une réaction en chaine théorisée par le syndrome de Kessler. La Chine avait notamment été pointée du doigt en 2007 lors de ses essais. Un désagrément que l’Inde a souhaité éviter en détruisant un engin à faible altitude afin que les débris soient brûlés et n’ont éparpillés sur Terre, causant potentiellement des dommages collatéraux. Ces débris représentent un réel danger pour l’espace commun. En 2015, l’ISS aurait manœuvré 5 fois pour éviter des collisions avec des débris. Ainsi, en 2019, l’agence Spatiale Européenne estimait qu’il y aurait plus de 8500 tonnes de déchet spatiaux. « Polluer » l’espace commun (qui ne saurait être un véritable terme, puisque la dégradation in space ne saurait exister réellement dans un but de pollution) oblige à la réflexion de solutions alternatives étatiques. Les programmes de défense ont développé des lasers qui gêneraient le système optique des satellites depuis la Terre ou encore des brouilleurs afin d’intercepter leurs communications. De nouvelles pratiques qui ne vont cesser de se multiplier dans les prochaines décennies.
Étudiante en troisième année de Bachelor de Relations Internationales à l’ILERI, j’ai une appétence pour la rédaction d’articles géopolitiques. En effet, dans un monde en constantes mutations, comprendre la complexité de son engrenage me paraît être indispensable. La rédaction permet ainsi de mettre en lumière des problématiques et de les analyser avec un œil objectif. J’apprécie tout particulièrement travailler sur les nouveaux enjeux du XXIème siècle. Cela s’articule autour de la conquête de nouveaux espaces tels que l’espace ou les océans mais également autour des conflits et tensions sur la scène internationale.
Stella ZAVERONI
Sources :